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ET LES AUTRES, JE VOUS AIME… #JeSuisCharlie

Publié le par Stéphane GOMEZ

Les mots me manquent rarement. Il me manquent aujourd'hui. Aujourd'hui je suis en deuil, pour des gens que je ne connaissais pas mais qui me semble si familier parfois depuis si longtemps.

 

L'horreur de l'attentat contre le journal Charlie Hebdo (oui, à moins que demain l'enquête ne nous dise que le motif est crapuleux, il s'agit bien d'un attentat : un acte criminel et barbare pour créer la terreur pour des raisons politiques), l'horreur de cette attentat me glace d'effroi. Je le ressasse depuis ce midi.

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Il glace d'effroi l'amateur de dessin, qui appréciait plusieurs des caricaturistes ciblés, il glace d'effroi jusqu'à mon âme d'enfant, quand je regardais Cabu officier dans une émission pour gamins.

 

Il glace d'effroi le républicain. Car toucher un journal et à des journalistes, c'est vouloir fracasser la liberté d'expression, notre liberté d'expression. Ils ne sont pas tous à être tombé sous les balles ce midi, nous sommes plus nombreux à avoir été ciblé. Triste ironie, ce matin, devoir d'Éducation Civique pour mes élèves de 4èmes, leçon sur les droits et les libertés, une des questions : « Pourquoi la liberté de la presse est-elle symbolique de la liberté dans un pays ? ». Mais les exemples du cours prenaient d'autres pays, pas la France, qui sur la carte figurait dans un beau vert « presse libre ». Mais c'était pour des élèves de 4èmes. Ça semblait clair pour des adolescents de 14 ans, ça ne le semble pas pour des fous nourris au lait de la haine. Ce n'est pas que « Charlie » que les terroristes ont voulu toucher, c'est notre liberté à tous.

 

Il glace d'effroi le démocrate. Car je vois déjà les haineux qui se frottent les mains. Durant des heures la presse en continue, celle qui a en permanence besoin de dire, d'occuper du temps d'espace médiatique donc commercial, cette presse là murmurait, sous-entendait, lançait un cri silencieux pour désigner -pointer!- le coupable potentiel, presqu'idéal. Vers 13h30, elle pouvait le dire enfin -lâche soulagement!-, c'est « lui » / ce serait « lui », l'immonde islamiste a encore frappé. LE PEN, ZEMMOUR et FINKELKRAUT sont heureux ; les islamistes qui voient de l'islamophobie de partout sont heureux, « Charlie » a été puni et la stigmatisation qui va naître du bonheur des F-Haineux va le nourrir en réponse. Les extrêmes s'aiment entre eux, ils se comprennent dans leurs haines réciproques, ils s'alimentent, se nourrissent, se renforcent.

 

Il glace d'effroi le citoyen. J'ai toujours bien aimé certains caricaturistes de Charlie Hebdo, pas tous et pas tout, et souvent je n'ai pas apprécié le ton général du journal. Mais j'essaie de ne pas me tromper d'adversaire : « Charlie » n'est pas islamophobe ou anti-musulman, pas plus que judéophobe, antisémite, cathophobe,… ; le journal est laïque, contre tous ceux qui voudraient préserver des espaces sacrés dans notre société sécularisée, aux dépens des libertés collectives et individuelles ; le journal attaque par tolérance voltairienne tous ceux qui prônent l'intolérance, et c'est peut-être ce qui a coûté la vie a douze de personnes : défendre la tolérance. Charlie Hebdo l'a fait avec son esprit, celui de la provoc' à tout craindre, peut-être un peu dégueulasse parfois, pas toujours assez drôle parfois. Il le fait avec un esprit salutaire et nécessaire, avec un humanisme profond, par des humanistes sincères.

 

Le citoyen est d'abord glacé d'effroi, mais il n'est pas abattu. L'effroi ce n'est pas la peur qui paralyse, c'est la première réaction instinctive de celui qui ensuite se redresse rationnellement, prêt à se battre pour la tolérance et le respect mutuel de tous. Ma première réaction s'éloigne, l'effroi avec, la colère reste et avec elle la combativité pour défendre notre démocratie plurielle et riche.

 

En 2011, après l'incendie des locaux de Charlie Hebdo, Charb réagissait en soulignant que « si on a peur, ils ont gagné ». Aujourd'hui, je n'ai pas peur. Aujourd'hui je suis en deuil. Aujourd'hui, ils n'ont pas gagné. Eux, je les emmerdais hier, je les emmerde aujourd'hui, je les emmerderai demain. Et les autres, je vous aime...

 

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