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EN PASSANT DEMAIN PAR LE SQUARE MANOUCHIAN

Publié le par Stéphane GOMEZ

Cher Claude,

 

Si demain matin il vous arrivait de passer par le square Manouchian, à Vaulx-en-Velin, permettez-vous de vous arrêter.

 

Je ne sais pas si, depuis 20 ans que vous êtes préfet, puis recteur de cabinet à l'Intérieur ou à l'Elysée puis sinistre de l'Intérieur, je ne sais pas si depuis si longtemps vous avez eu l'occasion de passer par une ville populaire autrement que dans une berline aux vitres fumées et précédée de policiers. Mais comme je ne veux préjuger de rien, au cas où, si demain matin il vous arrivait de passer par le square Manouchian, à Vaulx-en-Velin, permettez-vous de vous arrêter.

 

Vous m'y trouverez, pas seul, autour d'une commémoration de l'Affiche Rouge.

 

Cher Claude, je ne vous rappelerai pas ce que fut l'Affiche Rouge, mise en vers depuis par ARAGON et chantée ensuite par FERRAT.

 

Durant l'occupation nazie, nos meilleurs amis allemands, pour discrétiter la Résistance, n'avaient rien trouvé de mieux que cette affiche, sur laquelle s'étalaient les portraits de ces "terroristes", de ces métèques de toute l'Europe et même d'Asie, de toutes les nationalités, de différentes religions ou même peut-être des athées, n'en déplaise aux envolées latranesque de votre ami Nicolas sur la supériorité du prêtre sur d'autres.

 

Les nazis, avec l'accord très moral de l'État Français de l'instant, voulaient discréditer la Résistance avec cette affiche de métèques, d'étrangers, qui venaient au secour de la République. La réaction ne fut pas celle espérée. La Résistance, celle organisée ou celle des coeurs, l'a revendiquée, cette affiche: oui, c'est pour cela que nous nous batons, pour cette Nation qui accueille toutes celles et tous ceux qui veulent avec elle construire un présent, aussi dans le sang de la résistance à l'hydre haineuse, pour partager un avenir, une espérance démocratique et sociale.

 

Voilà des Arméniens, des Espagnols, des Italiens, des Polonais ou des Hongrois, des juifs, des chrétiens ou des athées, qui ne se posaient pas la question de savoir si toutes les civilisations se valaient ou pas. Ils laissaient ce débat à leurs ennemis nazis et pétainistes.

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Voilà des étrangers, cher Claude, qui ne se posaient pas la question de savoir s'ils avaient des papiers ou pas pour participer à cette grande idée qu'est la Nation française.

 

Dans les temps sombres de l'occupation, eux voulaient réenchanter le rêve français, si vous me permettez, cher Claude, d'emprunter à d'autres cette expression. Ils pensaient que c'était ensemble que l'on faisait Nation, fasse à ceux qui faisaient sombrer l'idée de civilisation. Ils n'avaient pas peur du mélange, de l'échange, de ce que votre amie Marine appelerait le cosmopolitisme, car leur idéal humaniste l'emportait sur toute chimère de race ou sur toute barrière de nationalité. Ils estimaient que la fraternité des intelligences et des idéaux l'emportait sur les logiques de division et d'opposition.

 

Voilà, cher Claude, ce que furent ces étrangers, ces sans papiers parfois, grâce auxquels, avec d'autres, comme ces soldats de nos colonies dans lesquels nous allions porter par le bâton et le fusil les valeurs supérieures de notre civilisation, ces étrangers grâce auxquels nous sommes aujourd'hui une Nation libre et démocratique.

 

C'est pourquoi, cher Claude, demain matin il vous arrivait de passer par le square Manouchian, à Vaulx-en-Velin, permettez-vous de vous arrêter et de venir avec nous célébrer ces étrangers de l'Affiche Rouge, de qui je me sens souvent si proche.

 

Dans l'attente, assuré de mes sentiments républcains et humanistes profonds, cher Claude, je vous emmerde.

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