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"On ne peut pas gagner la bataille politique sans mener le combat d'idées"

Publié le par Stéphane GOMEZ

50 ans d'histoire de la Gauche en France

25 ans de l'histoire du Parti socialiste né en 1971 à Epinay



     "On ne peut pas gagner la bataille politique sans mener le combat d'idées" (Jean POPEREN - Le nouveau contrat socialiste - 1985). Toute la vie politique de Jean POPEREN est une illustration de cette exigence.


     Jean POPEREN, historien, dirigeant de partis (PCF, PSU, UGCS, PS), député-maire dans le Rhône, ministre de 1988 à 1991, a été, pendant un demi-siècle, l'un des artisans essentiels du rassemblement de la gauche et des forces populaires : pas de parti sans base militante, pas de gouvernement durable sans fidélité aux promesses, pas de succès politique pour la gauche sans le rassemblement de toutes ses composantes et sans un lien puissant avec le mouvement social.

 

     Proche collaboratrice du "Pope" pendant plusieurs dizaines d'années, Marie-Thérèse MUTIN, exclue du Parti Socialiste en 1998 pour son indépendance d'esprit et son honnêteté, livre dans sa petite maison d'édition, les Éditions Mutines , une rigoureuse biographie de Jean POPEREN, richement documentée, nourrie à la pensée même de cet intellectuel militant.

 

     Le livre de 496 pages est construit en deux parties : la 1ère a été écrite par Poperen lui-même : ce sont des mémoires inachevés qui content la jeunesse de Poperen jusqu'en 1953. La 2ème partie écrite par Marie-Thérèse MUTIN couvre la période de 53 à 97.

 

     Avec Jean POPEREN, Tel qu'en lui-même, Marie-Thérèse MUTIN nous plonge dans 50 ans de l'histoire de la Gauche et du socialisme, du P.C.F. au P.S. en passant par le P.S.U. et les clubs. "Jean POPEREN n'est pas fidèle à une organisation en particulier mais à la gauche elle-même et à l'organisation qui l'incarne le mieux à un moment donné." (Annie PHILIPPE et Daniel HUBSCHER, Enquête à l'intérieur du PS, Ed. Albin Michel, 1991).Cette biographie nous fait partager l'histoire d'un homme qui jusqu'au bout gardera la conviction que l'on peut changer la vie, que l'on doit changer la vie.


Jean Poperen et le Parti socialiste


     Jean Poperen, si lucide dans ses analyses sur le comportement des électeurs, se trompa beaucoup plus sur celui des adhérents de ses partis successifs : en 1967, quand la coalition des ténors du PSU fut défaite par les autonomistes de Rocard, comme en 1990, au Congrès de Rennes, quand il surestima la capacité ou l'envie des militants de s'en tenir aux textes d'orientation. Mais c'est l'erreur tactique du Congrès - fondateur - d'Épinay qui est la plus souvent évoquée. C'est que Jean Poperen croit trop exclusivement à la force intangible de la ligne politique alors que, dans la vie d'un parti, on ne peut pas évacuer l'aspect émotionnel et subjectif. En l'occurrence, il n'avait pas perçu l'ampleur du rejet de Guy Mollet de la part des nouveaux arrivants.


     Cette erreur d'appréciation laissera des traces profondes. Jean Poperen ne fera jamais partie du premier cercle des "mitterrandistes", ceux à qui Mitterrand confie les postes-clés. Malgré sa loyauté à toute épreuve, rien ne lui sera octroyé : il devra guerroyer pour obtenir les postes de responsabilités où, pourtant, il excella. Mais il ne réussit pas à réaliser son rêve : devenir Premier secrétaire du PS.


     Pourtant, grand pourvoyeur d'idées, il n'a cessé de donner un corps de doctrine au PS : le Front de classe et l'union de la gauche avant 1981, le compromis et la confrontation sociale après la victoire, jusqu'à ce que la politique de la "deuxième" gauche triomphe, sinon dans les Congrès du moins dans les esprits.


     Ecarté du secrétariat, il n'abandonne pas la lutte idéologique. Conscient de la mondialisation inévitable, il étend le champ de ses réflexions à l'Europe et à la planète.


Un homme de contraste et de paradoxes :


     "Ce marxiste rigoureux est devenu un partisan inconditionnel de la démocratie, parce que pour lui la place de la France est d'être aux côtés des démocraties occidentales et donc des Etats-Unis. C'est aussi une des raisons de son soutien indéfectible à Israël, seule démocratie du Moyen-Orient. C'est ainsi que cet anti-rocardien constant se révèle un ministre particulièrement loyal avec Michel Rocard, un ministre des relations avec le Parlement apprécié des parlementaires de droite qui s'attendaient à rencontrer un sectaire. Ainsi, ce dirigeant que l'on a souvent vu comme une incarnation de l'appareil - et qui n'a jamais voulu sacrifier à une ascension dans l'appareil une indépendance d'esprit intraitable - cet homme qui consacra son existence à l'action politique fut plus que tout autre ouvert à la culture et prit l'initiative de somptueuses rencontres entre intellectuels de haut niveau qui le tenaient pour un pair." (Claude Dupont - article pour l'Ours)


Jean Poperen : un intellectuel militant :


     "Etre un intellectuel en politique, c'est replacer chaque fait dans son cadre historique, c'est savoir s'indigner, refonder, innover devant l'Histoire pour la faire avancer, regarder le futur, éduquer, éclairer pour expliquer, enrichir la doctrine et l'indispensable idéologie, celle qui encadre les projets longs, celle qui donne du contenu et du sens." (Laurent Fabius - Hommage rendu à Jean Poperen en 1997, lors de la rentrée parlementaire)


     La vie politique actuelle, politique-spectacle faite en fonction de la courbe des sondages, manque d'hommes et de femmes de cette trempe. Dix ans après sa disparition, sa démarche n'a rien perdu en actualité.


     "Nous avons progressé parce que, rejetant toute attitude sectaire, d'isolement, nous avons appliqué une politique d'élargissement, de contacts, nous n'avons pas gardé notre politique pour nous, nous avons cherché à la faire appliquer par d'autres. " Toute la stratégie de Jean POPEREN tout au long de sa vie politique tient dans cette phrase. Contrairement à nombre d'hommes politiques jaloux de la paternité d'une idée émise, soucieux de prendre le pouvoir pour la mettre eux-mêmes en action, pour Jean POPEREN, grand pourvoyeur d'idées, l'important est qu'elles vivent même si elles sont mises en oeuvre par d'autres. Si on ne comprend pas cette exigence, on ne comprend rien à son parcours politique..." (extrait des pages 234-235 ).



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