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Contre la discrimination "positive" dans l'embauche

Publié le par Stéphane GOMEZ


Colloque sur les discriminations dans l'emploi
(La Plaine Saint-Denis, 29 avril 2006)

Alain Vidalies : « Il faut rejeter toute politique de discrimination positive »


     Organisateur du colloque du 29 avril dernier sur les discriminations dans l’emploi, Alain Vidalies, secrétaire national du PS aux entreprises, expose les principes sur lesquels devront reposer les propositions socialistes : l’égalité de traitement, le renforcement de la politique pénale et, enfin, un contrôle collectif pour mettre fin aux pratiques discriminatoires dans les entreprises, à travers notamment des droits d’information donnés aux salarié.

(Entretien extrait du site Rassembler à Gauche: www.rassembleragauche.org)


     De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque les discriminations à l’embauche ?
     Il s’agit de circonstances dans lesquelles la direction d'une entreprise s'affranchit du principe de l’égalité des droits prévus par les lois de la République, envers un individu en raison de sa race, de son sexe ou de particularités physiques. Les travaux de « testing » effectués à grande échelle ont abouti au constat partagé que des candidatures strictement identiques peuvent, pour les unes, être écartées d’un éventuel recrutement ou de la convocation à un entretien préalable à l’embauche pour le seul motif que le candidat est noir ou d’origine maghrébine. Un candidat blanc a cinq fois plus de chance d’être convoqué à un entretien que quelqu’un qui semble appartenir à une « minorité visible », ne serait-ce que par la consonance de son nom ou par son origine géographique, s’il réside dans un quartier réputé difficile. C’est un phénomène inquiétant.

     Pourquoi vous être saisi de cette question aujourd’hui ?
     C’est une question grave, apparue dans le débat public depuis quelques années, qui a apporté des initiatives que l’on peut estimer positives, telles que les pratiques de testing ou la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Les projets sur les CV anonymes s’inscrivent dans cette démarche. Mais ces initiatives restent isolées et insuffisantes.

     On sait quelle réponse préconise la droite, ou tout au moins Nicolas Sarkozy : l’application des règles du communautarisme aux questions du recrutement, à travers la discrimination positive, sur le modèle américain. Il est désormais essentiel que les socialistes se positionnent dans le débat. Il faut dire clairement que la discrimination est, en soi, un délit. L’existence même d’une « discrimination positive » supposerait qu’il y ait un « sexisme positif », un « racisme positif ». Il faut dénoncer cet amalgame et faire des propositions de nature à remettre en cause la situation des victimes.

     Peut-on parler d’un échec du modèle d’intégration à la française ?
     Non. Ce phénomène s’est véritablement aggravé durant la période de crise économique, et plus exactement de crise de l’emploi. Nous sommes face à des processus révélateurs de la montée du racisme ou des phénomènes de bouc émissaire, comme c’est toujours le cas en période de difficultés économiques. La droite a toujours su mettre de l’huile sur le feu ou surfer sur ce rejet de l’autre, pour faire oublier des difficultés sociales et économiques.

     Quelles sont les propositions des socialistes sur ce sujet ?
     Il faut, d’abord, rejeter toute politique de discrimination positive et affirmer les principes républicains, notamment d’égalité. Pour ne pas être dans la contradiction de constater que l’égalité des droits ne correspond pas à l’égalité réelle, il faut utiliser le concept d’égalité de traitement, qui impose aux pouvoirs publics de ne pas s’en tenir à des réponses de principe mais de vérifier que ces principes se traduisent par un traitement égalitaire des citoyens français. Il y a pour cela plusieurs pistes, notamment pénale puisque les discriminations à l’embauche relèvent du pénal. Il faut utiliser toutes les procédures permettant de constater l’infraction. En cela, la légalisation du testing me paraît une bonne chose.

     Il faut aussi permettre un contrôle collectif des procédures de recrutement dans les entreprises. Cela implique de donner aux acteurs sociaux, et principalement aux organisations syndicales, un droit de regard non pas sur la décision mais sur les procédures aboutissant à l’embauche. Cela nécessite l’établissement au sein de chaque entreprise, en accord avec la CNIL et la Halde, d’un cahier des charges garantissant la traçabilité de ces procédures, pour en assurer le contrôle. Les entreprises devraient fournir un bilan annuel de la diversité, lors d’un rendez-vous avec les organisations syndicales, pour montrer que les règles ont été bien suivies.

    La réponse pénale semble avoir des limites puisque, selon un premier bilan réalisé par des juristes, la loi de 2001 contre les discriminations au travail n'a guère eu d'effet sur le nombre de plaintes déposées...
     C’est pendant longtemps la réponse qu’on a opposée au harcèlement. Ces discriminations, c’est vrai, sont difficiles à prouver au pénal et ce n’est pas la seule solution, mais l’exemplarité, et donc la dissuasion, de la poursuite pénale est un élément important. Je pense d’ailleurs qu’une partie des entreprises ont compris aujourd’hui, y compris pour des motifs commerciaux, qu’elles avaient intérêt à échapper à ce type de critiques.

     Comment s’assurer que les procédures de contrôles que vous préconisez dans les entreprises (bilan de la diversité, négociation annuelle) s’appliquent également dans les PME ?
     Cette question rejoint le problème, plus général, du dialogue social et de la représentation des salariés dans les PME. La réponse qui s’impose, c’est la mise en place d’une structure paritaire au niveau d’un bassin d’emploi avec des représentants des PME et des représentants des organisations syndicales.

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